KPIs - Maitrise des processus
Que signifie la mesure de la performance des processus pour les acteurs ?
Globalement, la réponse immédiate la plus répandue est vague et peu représentative : « Cela dépend de plusieurs facteurs ». Parmi ces facteurs, on trouve un grand nombre d’éléments tels que le niveau de facilité d’accès aux données des applications, la compréhension et la maturité vis-à-vis des processus, etc.
En définitive, retenez que la mesure de la performance doit permettre une analyse des opérations à tous les niveaux de détail (processus, activité ou tâche). Notez également que la manière dont une entreprise mesure la performance des processus évolue dans le temps. Il est en effet fréquent que les premières mesures ne soient plus pertinentes ensuite, ces premières informations peuvent être incomplètes et de faible utilité. Cependant, à mesure que le management comprend mieux l’information et ses utilisations, le type d’information et sa présentation changent en s’améliorant.
La situation réelle des processus varie bien sûr selon l’entreprise, sa maturité, et ses besoins de conformité. Vous pouvez mesurer un grand nombre d’éléments autour des processus comme :
La performance opérationnelle : les volumes de transactions, les temps de réaction, les retards, le temps de cycle, le nombre d’erreurs dans le traitement, le nombre d’exceptions, la perte de temps ou de matière et les problèmes avec les partenaires.
Le juridique : la conformité légale et le rapport de conformité, soit les délais et la complétude.
L’identification des problèmes : les problèmes de transfert, la qualité des modifications de la base de données, les rapports d’inspection et d’audit et les retards d’obtention d’une information.
La qualité : Six sigma, TQM, l’inspection des audits, les erreurs et les rejets.
La finance : Le coût de chaque sous-processus (en effectifs, en matériels, en IT), le coût des biens vendus, les processus avec des coûts externes, les tâches adressées à d’autres processus, les rebuts et les économies générées suite à la mise en place d’une solution.
Le niveau des risques : qu’ils soient financiers, liés à l’image ou à la conformité.
La responsabilité sociétale : l’empreinte écologique et le niveau de consommation électrique.
Le parcours client : le niveau de satisfaction de la relation au travers des ventes, des équipes, etc.
L’évaluation des performances : les KPIs (Key Performance Indicator, soit indicateur clé de performance)
Il peut être difficile d’identifier les goulots d’étranglement des processus lorsqu’il n’existe pas de stratégie officielle de gestion du flux de travail. Cependant, il y a un certain nombre de signes qui peuvent indiquer que votre efficacité n’est pas maximale. L’identification des goulots d’étranglement sera donc permise par l’utilisation des KPIs.
1. Quoi ? Pourquoi ?
Les KPIs sont des outils indispensables au pilotage d'une entreprise, d'une équipe ou d'un processus pour atteindre les objectifs. De ce fait, ils peuvent être utilisés pour évaluer les différents processus. En recueillant les KPIs vous aurez une vision à l’instant T des différents processus. Vous pourrez alors suivre leur évolution dans le temps et constater les écarts naissants par rapport aux objectifs.
Cette mesure montre clairement s’il y a un nombre excessif d’écarts dans une tâche particulière : une augmentation inexpliquée signifie souvent un goulot d’étranglement.
Il est donc important de définir un KPI en fonction d'un objectif donné par une approche descendante, c’est-à-dire de connaître d'abord les objectifs pour savoir quoi mesurer, plutôt que de mesurer ce qui est mesurable, avant de savoir à quoi on va pouvoir le relier. La forme d'un tableau de bord permettra de faciliter la lecture des KPIs et donc la prise de décision.
2. Par qui ? Pour qui ?
La première étape consiste à déterminer la personne en charge de la mise en œuvre du système de KPIs. Elle peut être par exemple une chef de projet ou une ingénieur qualité. Vous devrez privilégier des membres de la direction, afin qu’ils puissent engager les actions nécessaires en cas d’écart constatable. En revanche, le responsable de la mise en œuvre des KPIs, devra posséder des qualités humaines telles que la l’impartialité, l’intégrité, une aisance face au groupe et surtout une grande capacité d’analyse tant au niveau des réactions humaines que des chiffres.
Ce responsable s'assurera de la bonne exécution des actions et contrôlera l’avancement des KPIs. Il vérifiera en permanence l’adéquation entre les orientations prises et les enjeux du projet pour l’entreprise et arbitrera les conflits internes.
Les KPIs permettent de rendre compte aux pilotes de processus de la santé globale du processus. Il convient de les définir via des brainstormings avec les opérationnels ainsi que la direction afin qu’ils répondent aux critères SMART que je décrirai plus tard dans l’article.
3. Comment les mettre en œuvre ?
Étape préalable
Avant d'entreprendre la mise en chantier de nouveaux KPIs, je vous conseille de faire un état des lieux des indicateurs existants puis de les analyser en déterminant leur pertinence, en abandonnant ceux qui sont inutiles, en identifiant les causes de non-exploitation, etc. Cet état des lieux permettra d'éviter une profusion d'indicateurs qui décrédibilisent la démarche initiale.
Avant de débuter toute conception ou mise à jour de KPIs, vous devrez vous assurer que les processus soient préalablement bien modélisés et documentés, et que ces actions soient validées par la direction. Cela permettra de confirmer que les pratiques sont communes, afin que les données collectées par les KPIs ne soient pas biaisées.
Si ces procédures ne sont pas réalisées, vous pourriez très vite être confronté à des pratiques différentes selon chaque personnel, ce qui fausserait les résultats et par conséquent pourrait entraîner des plans d’action ne répondant pas à la réalité du terrain.
Étape 1 : Identification des KPIs
Pour définir les KPIs, vous vous poserez les questions suivantes :
Que souhaitez-vous mesurer ? L’indicateur est-il qualitatif (ordinal ou nominal) ou quantitatif (discret ou continu) ?
Quel est l’intérêt pour votre entreprise de suivre cet indicateur ?
Qui sera responsable de la collecte des informations de l’indicateur ?
Pour quel acteur ce KPI est-il mesuré ?
La question du nombre de KPIs dont vous aurez besoin varie selon les entreprises. Ce nombre dépendra du nombre d’objectifs clés qu’il y a dans votre entreprise. En règle générale, vous devriez avoir besoin de 2 à 3 KPIs par objectif, pour assurer une variété de mesures sans submerger le tableau. Vous pourrez partir de cette base, car l’on considère que chaque objectif d’entreprise devrait avoir au moins 1 indicateur mature (utilisé pour « prédire » hypothétiquement les changements dans l’entreprise et les performances futures) et 1 indicateur immature (un fait mesurable qui enregistre le rendement réel d’une entreprise).
Étape 2 : Conception

Déterminer les objectifs : avant d’écrire des KPIs, vous devrez d’abord déterminer lequel des objectifs stratégiques de votre entreprise vous essayez d’évaluer. Vous pourrez utiliser un plan stratégique dans lequel vous aurez déjà défini ces objectifs stratégiques. Vous pourrez vous demander quels résultats vous essayez d’atteindre. (Par exemple : Dans le cadre d’une assistance informatique, l’objectif sera de répondre aux tickets dans les délais.)
Déterminer les paramètres par rapport aux objectifs : Que pouvez-vous mesurer sur l’objectif dont vous voulez suivre l’évolution ? Le choix des différents paramètres retenus influera fortement sur la pertinence de l’exploitation de la mesure. En reprenant l’exemple ci-dessus, vous retiendrez comme paramètre le nombre de tickets traités dans les délais et hors délais.
Déterminer la mesure de référence : Comment transcrire les paramètres en données chiffrées ? Pour bâtir les KPIs, il s’agit de transcrire en données chiffrées les paramètres des critères choisis. En d’autres termes, vous définirez la formule qui sera votre indicateur. Par exemple, le taux de conformité : nombre de tickets répondus dans les délais / nombre de tickets globaux reçus. Ou concernant l’efficacité de l’organisation : nombre de tickets traités / nombres de tickets reçus.
Déterminer le format de l’indicateur : L’indicateur pourra être un taux, un ratio, une note estimée, un degré mesuré ou estimé sur une échelle de valeurs.
Déterminer les seuils de l’indicateur : Pour ne pas être subjectifs, vous fixerez avec la direction, les seuils qui seront les objectifs à atteindre, les valeurs à atteindre, le minimum et le maximum à respecter.
Évaluer la faisabilité des indicateurs : Afin de ne retenir que les indicateurs réalisables, vous effectuerez préalablement une étude de leur faisabilité qui peut comprendre par exemple :
- L'évaluation préalable de l'implication de la hiérarchie.
-L’évaluation du coût et des moyens nécessaires au système d'indicateurs : collecte de l'information, traitement, documentation, etc.
- La compatibilité entre le critère et la fréquence de mesure.
- L’acceptation des indicateurs par les acteurs de la collecte d'informations.
Définir le fonctionnement
- Au niveau de la collecte des données : vous déterminerez via un RACI, les responsabilités pour collecter les données. Choisir les acteurs de la collecte des informations parmi les personnes impliquées dans les processus mesurés, permet d'intégrer facilement les tâches de cette collecte à leurs activités habituelles.
- Au niveau de l’analyse des données : Vous déterminerez via un RACI, les responsabilités pour l’analyse des données.
- Au niveau de la communication : Vous déterminerez via un RACI, les responsabilités pour la communication des données. De plus vous répondrez à la question suivante : « À qui sont diffusés les résultats et sous quelle forme ? »
- Formaliser le système : Pour pérenniser les indicateurs et les tableaux de bord, il est nécessaire de les formaliser par les éléments suivants :
⌑ Objectif,
⌑ Paramètres,
⌑ Mode de calcul (transcription de l'indicateur),
⌑ Format de l’indicateur,
⌑ Seuils de l’indicateur,
⌑ Source de données pour la collecte des données,
⌑ Responsabilités et périodicité de la collecte des informations,
⌑ Responsabilités et modalités de l'analyse des indicateurs,
⌑ Mode de communication (fréquence + format de la restitution).
Habituellement, la méthode SMART est utilisée, elle cherche à définir les KPIs répondant aux 5 critères ci-dessous :
Spécifique : Qu’est-ce que vous voulez accomplir exactement ? Quelles mesures devrez-vous prendre pour le faire ? Qui sera responsable et impliqué ?
Mesurable : Comment saurez-vous que cela a été réalisé ? Vous serez en mesure de quantifier l’indicateur et de vérifier si la cible a été atteinte ou pas en le prouvant quantitativement.
Atteignable : Votre objectif est-il vraiment réalisable ? La cible est-elle réaliste et raisonnable ?
Pertinent : Est-ce pertinent pour l’organisation de suivre ces indicateurs ? Convient-il à la situation socioéconomique actuelle ? Cela correspond-il à vos efforts et besoins ? Est-ce le bon moment pour suivre cet indicateur ?
Temporel, soit défini dans le temps : Quand allez-vous atteindre votre objectif, et quelles en sont les étapes clés ?
Vous pourrez ajouter deux points supplémentaires à votre modèle :
Explicable : Vous vous assurerez que les KPIs sont faciles à comprendre et à la portée de tous, des problèmes de compréhension sont en général fréquents.
Relatif : Vous vous assurerez que vos définitions (et objectifs) des KPIs s’appliqueront toujours lorsque votre entreprise augmentera sa taille ou lorsqu’un évènement externe impactera l’organisation (l’apparition de l’épidémie de la Covid 19 par exemple).
Étape 3 : Mettre en œuvre
Former les acteurs impliqués : Vous devrez former les acteurs de la collecte, aux méthodes à mettre en œuvre, et les sensibiliser au rôle et à l’utilité des mesures qui leur sont demandées. Connaissant ainsi la logique du système de mesure, ils seront non seulement opérationnels, mais aussi capables de réagir aux aléas.
Communication : Le personnel devra comprendre pourquoi vos mesures sont importantes. Expliquez pourquoi vous avez choisi un KPI plutôt qu’un autre. Et surtout, soyez à l’écoute : les KPIs ne sont pas infaillibles, leur choix ne sera pas non plus évident pour toutes les parties concernées. Être à l’écoute du personnel vous aidera à déterminer quels objectifs sous-jacents de votre entreprise ne sont pas communiqués correctement. La conduite du changement sera parfois nécessaire dans le cadre de la rencontre face à des acteurs réfracteurs à la mise en place de KPIs, certains pourraient par exemple se sentir « oppressés » et « espionnés ».
Assistance et animation : Dans la continuité de la démarche participative de la phase de construction du système de KPIs, sa mise en route doit être accompagnée. L’assistance, le suivi et la relance aident les intéressés à tenir leur rôle au sein du système.
Collecter les données et les renseigner via une base de données centralisée.
Étape 4 : Exploitation des informations
Vous analyserez les résultats via la construction de tableaux de bord (que je détaillerai dans un prochain article). En réponse aux écarts observés, vous proposerez des axes d’amélioration en corrélant ainsi l’information avec celles issues d’autres indicateurs. Le responsable du processus concerné décidera alors des actions à entreprendre pour modifier la tendance reflétée par l’indicateur et converger vers les objectifs.
Étape 5 : Examen périodique
Les KPIs qui ne sont jamais mis à jour peuvent rapidement devenir obsolètes. Supposez, par exemple, que votre entreprise ait récemment lancé une nouvelle gamme de produits ou qu’elle se soit agrandie à l’étranger. Si vous ne mettez pas à jour vos KPIs, votre équipe continuera de courir après des cibles qui ne capteront pas nécessairement le changement d’orientation tactique et stratégique. Par conséquent, en fonction de l’évolution du marché et de votre entreprise, vous verrez si le KPI est réalisable et si ses objectifs sont toujours atteignables.

Figure 1 Cycle de vie des indicateurs et Tdb (Source Afnor)
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